Ce matin, samedi 10 août, c’est le branle-bas-de-combat au refuge. En concertation avec la DDPP, nous pouvons enfin organiser le sauvetage de huit moutons et brebis détenus dans des conditions indignes. Nous n’en menons pas très large, peu habitués que nous sommes à prendre en charge ce genre d’animal. Laissés dans une maison à l’abandon, véritable décharge à ciel ouvert, apparemment nourris mais pas soignés, ce sont huit misérables bêtes, 6 femelles dont certaines sont gestantes et deux mâles, que nous découvrons dans un véritable dépotoir. Elles sont enfermées dans une pièce sans fenêtre, perchées sur un mètre de fumier. L’odeur qui règne là est pour le moins épouvantable. D’après les témoignages, elles ne seraient pas sorties d’ici depuis au moins deux ans, peut-être trois!
Les costauds, Yann, Julie, Fred et Michel, les descendent une par une. Terrifiées, elles se blottissent les unes contre les autres et probablement que la lumière du jour, qu’elles ont si peu vue, n’arrange rien à leur appréhension. Christine et Delphine disposent tout ce petit monde dans le kangoo, changé en bétaillère pour la circonstance. Elles tiennent à peine debout en raison de leurs pattes, déformées par des onglons si longs qu’ils leur interdisent tout mouvement maîtrisé. On devine leur maigreur sous la laine.
Une fois tout le monde à peu près calé, direction le terrain généreusement prêté en attendant de trouver une vraie solution de placement pour ces bêtes qui n’ont pas vu un vétérinaire depuis… en ont-elles jamais vu un? Et c’est la sortie : personne ne saute le cœur léger vers la liberté, on n’est pas dans un film : nos moutons ont bien trop peur et c’est la panique qui les domine, qui les pousse à tenter de traverser la clôture. Ils ne comprennent pas encore ce qui leur arrive. Puis, ils se retrouvent, se rassemblent et une fois serrés les uns contre les autres, se rassurent un peu. Ils commencent même à brouter l’herbe qu’ils foulent maladroitement dans un concert de cliquetis : leurs ongles.
Les pauvres bêtes semblent ne rien connaître : il faut les forcer à se mettre à l’ombre car elles restent à haleter au soleil. Y voient-elles quelque chose d’ailleurs après tous ces mois passés dans l’obscurité? Elles nous fendent le cœur mais elles en ont fini avec cette vie de misère. Elles vont être examinées par le vétérinaire qui leur prodiguera les soins indispensables, leurs pieds seront soignés et elles pourront enfin vivre à l’abri de la bêtise et de la négligence humaines. Une fois qu’elles seront en règle, nous pourrons leur chercher une solution définitive de placement pour que leur retraite rachète un peu la vie lamentable qu’elles auront passée dans le trou infâme dont elles ont été sorties ce matin.